Tasses vivantes ?, 2023, Terre cuite en grès biscuité et émaillé, taille diverse. ©Laura Accardo
Lorsque nous quittons l’espace intérieur, familier, nous devenons tous plus faibles et fragiles dans ce monde extérieur, n’étant plus protégé. Cela me donne l’idée de jouer avec la saison, la température, la vapeur, la chaleur, la vie. Je fais des tasses pour servir les boissons chaudes aux visiteurs. Ces tasses prennent des formes organiques et ne peuvent pas être posées une fois que la tasse est remplie (tasses sans pied, pas stables). Les mains enveloppent cette tasse et prennent le rôle du socle. Elles font partie de l'œuvre.
L’idée est née à partir d’une rencontre avec un chaton dans un jardin de campagne. Ce chaton est abandonné par sa mère et il n’arrive pas à survivre tout seul (il n’arrive pas gérer sa température, devient tout de suite froid), et miaule tout le temps, sauf quand il reste dans les mains des humains (au chaud).
Ces tasses vivent lors du moment de vernissage. L’espace est bien froid en plein hiver. Je prépare et sert le cidre chaud et le thé aux visiteurs qui chauffent ainsi leurs mains et leur corps. La main s’adapte à la forme organique. Notre comportement change par rapport à celui de d’habitude.
Seuil, 2023, Fragments de céramique dans le sol et le mur, Terre cuite en grès biscuité et émaillé, taille diverse.
Premier contact du lieu. Un espace abîmé, mais convivial et charmant. Les murs sont construits en pierre et en brique et le sol est carrelé. Deux générations de carrelage sont visibles, la dernière, et sous quelques carreaux cassés la précédente. Le sol et le mur, tout est dans un état abîmé, comme un état de travaux. Il y a beaucoup de trous et de fissures. Cela me donne l’impression que je suis dans un lieu préhistorique.
Des végétaux sauvages poussent dans un coin par le mur et le sol qui sont très impressionnants et remarquables. Ça donne un contraste et de la vitalité dans cet espace.
Ça me donne envie de suivre cet espace abîmé, son histoire, la trace de vie de quelqu'un ou quelque chose que nous ne voyons pas. Je soigne ces zones abîmées avec la terre (la céramique) avec mes mains, emprunte les formes, pour créer une nouvelle couche. Comme les végétaux prennent racines. Je teste et joue avec la matière, la forme, l’effet des émaux et vois ce que ça donne.
La forme rétrécie et durcie par la cuisson, colore et brille après cuisson. Je remets ces pièces dans leur espace d'origine, dans les trous du mur. Il y a des pièces qui se déforment, ne rentrent plus dedans ou bien je ne retrouve plus leurs nids car il y a énormément de trous dans le mur qui ressemblent. J’installe des dizaines de pièces dans l’ensemble d’espace. Les gens passent devant et marchent dessus sans avoir vu ces pièces cachées. Comme dans la nature où il n’existe aucune frontière, il n’y a pas de frontière entre l'œuvre et son milieu, le lieu d’exposition. Le spectateur franchit le seuil de l'œuvre.
Les émaux changent de couleur et de forme avec la lumière. Cela nous donne l’impression d'être regardé par un animal qui est camouflé dans l’herbe.
Une main jaune, 2023, Terre cuite en grès biscuité et émaillé.
Des gants jaunes accrochent le bord de l’evier m’ont particulierement remarquées notamment par leur forme bien usée. Cela me fait penser aux mains de ma mère qui travaille beaucoup pour la maison, et j’ai vu un jour ses mains douloureuses et pelées. Je place une main jaune en ceramique dans le même endroit, comme si elle était depuis longtemps.
Le monde à l’envers (Alpaca et Gobelets), 2023, Terre cuite en grès biscuité et émaillé.
Le miroir est comme une fenêtre sur un autre paysage où nous voyons les vaisselles qui sont mal rangées et dépareillées. Mes pièces en céramique peuvent être retrouvées dans le miroir.
Une maison, 2022, terre cuite en grès biscuité et émaillé. ©Laura Accardo
Cette maison penchée et déformée que je voyais souvent dans un chemin de la campagne. Elle a trouvé sa place à côté de végétaux. Nous la voyons discrètement, par les reflets de lumière, sinon sa couleur se mêle à celle de l'arrière-plan. L'œuvre habite discrètement dans l’espace, nous montre un paysage intime, comme une maison d'enfance.
Étude, Mémoire des éléments de Jardin, Terre estampage - Fossile. La forme présentée est une accumulation du passé. Un hommage au temps passé. 2021, Terre cuite en grès, biscuités et émaillés, taille diverse.
Un cendrier, 2021, terre cuite en grès émaillé, Ø 10 x 3 cm.
J’ai créé un cendrier au tour que j’ai ensuite modelé à la main. J’ai rajouté de la terre à l’intérieur, au fond de ce cendrier, comme une tâche ou un reste de cendres, colorées par le pigment et par l’émail. Les cigarettes et mégots sont non émaillés et ont une texture mat. L’extrémité des cigarettes qui brûle est émaillée. Je n’ai jamais fumé. Il me semble que fumer est associé à la volonté de déstresser, de se relaxer, de changer d’état d’esprit. Cette volonté est satisfaite contre un peu de notre santé, de nos économies, voire d’environnement (surtout si les mégots sont jetés par terre). Cependant, ce geste de fumer reste en un sens fascinant et mystérieux. Je m’intéresse à ce sentiment inconnu à travers le travail de la céramique.
Mon cendrier une fois créé est déjà occupé par mon geste, il n’a pas été fait pour servir comme un cendrier classique. Dans la réalité, le cendrier utilisé sent mauvais et est sale, or cette sensation n’existe plus dans mon objet créé. À l’intérieur de ce cendrier, j’ai mis des couleurs claires et pâles qui signifient la détente, la joie, et sont assez discrètes. Ce cendrier fait office de mémoire en nous rappelant le moment agréable, de détente, lorsque nous fumons, sans présenter l’objet qui résulte de cette action qui est habituellement sale et malodorant. En quelque sorte ce cendrier nous ramène à un moment de vie et crée donc une certaine relation au vivant.
Sans titre, crayons de couleur sur papier, 21 x 30 cm.
Sans titre, crayons de couleur sur papier, 21 x 30 cm.